samedi 11 octobre 2014

le mystère Modiano




Denis Cosnard, journaliste au «Monde», a créé un «Réseau Modiano» consacré à l'écrivain... qui n'a jamais accepté de le rencontrer.

Il a découvert Modiano à l’adolescence, en lisant De si braves garçons (France Loisirs, 1983; Folio, 1987) et il a été saisi par cette «voix particulière» qui se dégageait du texte et le touchait plus qu’aucune autre. Il a tout lu, décryptant sans relâche le style, les lieux, la langue Modiano. Au point d’en faire un blog, Réseau Modiano, puis un livre, Dans la peau de Modiano (Fayard, 2011), dans lesquels il tente de livrer certaines clés du mystère et de la légende. Pourtant, il n’a rien d’une groupie surexcitée et aveuglée par la passion. Denis Cosnard, 49 ans, est journaliste économique au Monde après avoir longtemps travaillé au quotidien les Echos.«A force d’être un lecteur fidèle et attentif, je me suis rendu compte qu’il y avait, dans l’œuvre de Patrick Modiano, des noms, des numéros de téléphone, des scènes, des personnages récurrents, un "déjà-vu" éclairé chaque fois de façon différente. J’ai voulu raconter et ordonner tout ça», nous a-t-il expliqué après avoir appris l’attribution du Nobel à l’écrivain. C’est alors qu’il a découvert que beaucoup d’autres avaient la même passion. De nombreux universitaires étrangers, australiens et britanniques notamment, ont aussi étudié l’œuvre du grand homme «sans œillères ni tabou».

UNE COMMUNAUTÉ D’INCONDITIONNELS

Pourquoi ce nom, Réseau Modiano ? L’idée était de montrer qu’il existe une communauté d’inconditionnels attendant fébrilement, à chaque nouvelle publication, la sortie de l’ouvrage en librairie. Et aussi, dans l’œuvre de Modiano, un réseau de personnages dont certains ont été puisés dans la réalité. Ainsi Eddy Pignon, «sinistre collabo, membre de la bande de la rue Lauriston, qui revient dans 90% de ses romans», note Cosnard en soulignant cet autre talent de l’écrivain, sa capacité à mêler fiction et réalité. «Il prend des morceaux de réalité et les malaxe, les triture, les vaporise dans ses romans.» 

Le journaliste lui a consacré une bonne partie de sa vie, il l’a donc rencontré ? Eh bien… non. «Son éditeur m’a dit qu’il ne le souhaitait pas», reconnaît-il. «Mais, quelque part, je le remercie. D’abord, si j’avais attendu que la vérité tombe de sa bouche, j’attendrais encore… Ensuite, ça m’a forcé à creuser ses textes, à défricher son réseau de personnages jusqu’à me rendre aux archives de la préfecture de police pour trouver les minutes des procès des collabos.» Denis Cosnard n’est pas non plus un forcené, il aime aussi Georges Pérec et Emmanuel Carrère, mais aucun autre blog n’est prévu pour l’instant.

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