J’ai perdu un frère. Depuis samedi je ne cesse de m’accrocher à ce lien filial encore hébété par sa foudroyante disparition.
Beaucoup serait capable d’en parler bien mieux que je ne pourrais jamais le faire. En premier lieu Jean-Luc notre ainé avec lequel Robert a partagé les années de l’enfance qu’elles soient dures ou douces mais avant tout complices. Sa compagne évidemment, son fils, ses petits-enfants, ses proches, ses amis qui l’ont accompagné durant des années faire un bout de chemin et partager avec lui bien des instants précieux. Pour ma part je sais qu’il est parti tôt de la maison, ce frère, faire des études que mes parents jugeaient brillantes. J’avais des nouvelles lointaines, de rares visites et une bibliothèque pleines de prix dont aucun ne me serait décerné durant toute ma scolarité. Il y avait aussi des carnets de dessins qui révélaient un remarquable talent qu’il a mis plus tard au service des arts décoratifs. J’ai été un enfant particulièrement fier de ce frère aussi talentueux qu’absent. Sans s’en douter, il a été un des premiers à m’initier à la musique à la littérature et au cinéma. Il en aurait été, je crois, le premier surpris mais c’est ainsi. Et puis j’ai grandi. La vie nous ayant déjà séparé prématurément, il nous restait à continuer nos chemins respectifs en nous accordant de temps à autre une pensée, un écrit, une visite, longtemps je fus persuadé que cette vie se déroulerait ainsi inexorablement.
Je ne reverrai plus Robert. Nous ne reverrons plus Robert. Nous ne le reverrons plus si ce n’est dans nos mémoires et dans nos cœurs. Nous avons perdu un mari, un père, un grand-père, un frère, un oncle, un ami. Et c’est pour cela que nous sommes tristes. Et c’est pour cela que nous sommes affligés. Et c’est pour cela que nous sommes abattus, emportés par cette tempête de mort. Une tempête sous nos crânes de vivants. Accablés par la disparition de celui que nous aimions.
De ce frère si peu connu et trop vite parti, il ne me reste que quelques photographies glanées dans les albums de famille avant qu’eux aussi ne disparaissent dans le néant. Elles témoignent de ce qui n’existe plus. Des instants que je n’ai pas partagés. En regardant ce frère qui me regarde sur les photographies, de cet être dont le regard insiste et qui a été vivant, je regrette aujourd’hui de ne pas lui avoir dit bien des choses, notamment que je l’aimais même si cela peut paraître aux yeux de certains stupide ou tout simplement évident. Il est maintenant trop tard. Toute photo sera un jour jetée aux ordures. Avec elle disparaîtra la vie, et aussi l'amour. Je pense à nous les vivants qui oublions de nous dire, tant qu’il en est encore temps, les choses essentielles. J’avais un frère et je l’aimais.
1 commentaire:
Et mon parrain est parti en fumée aujourd'hui, triste résumé d'une vie pourtant élégamment remplie.
Étrange sentiment de faire 'partie' d'une famille dont on ne sait presque rien depuis l'adolescence, d'être passée si près du bonheur d'être ensemble, comme elle vous aura fait du mal cette enfance !
Je ne veux pas attendre un jour de plus pour te dire que je t'aime tonton et que je t admire. Tes mots me touchent à chaque fois du rire aux larmes.
F.
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