Je me souviens. Il y avait des livres. Un meuble plein. Un meuble juste au-dessus d’une vieille table de télévision qui me servait de bureau derrière la porte de ma petite chambre au troisième étage du 20 rue des Peupliers à Bobigny.
De gros livres à la couverture rouge dont certains s’avéraient difficilement maniables. Je les posais sur le couvre lit et en regardais les illustrations en pleine page. J’ai toujours aimé ces instants d’histoires figés, accompagnés d’une courte phrase qui s’achevait parfois par des points de suspensions. Je fouillais le texte à la recherche du paragraphe y afférant pour le lire dans son ensemble. Je laissais ensuite l’histoire en suspend et restais à frémir, pleurer ou rêver au fil de ces morceaux d’aventures illustrés.
Il y en a un que j’ai feuilleté plus souvent que les autres. Un magnifique Robin des bois, comportant soixante dix sept photos, tirées du film de 1938 du réalisateur Michael Curtiz avec Errol Flynn et Olivia de Havilland. S’étalait en couverture un splendide Robin des bois rouge portant sur les épaules un cerf doré.
Ces gros livres à la couverture rouge occupaient les étagères du haut. Plus bas il y avait bien des livres à ma portée, notamment ceux de la Bibliothèque Rouge Et Or et de la Bibliothèque verte, toujours illustrés, où étaient publiés bien des classiques de la littérature en version abrégée, comme j’ai pu le constater en lisant bien plus tard les versions intégrales des romans de Charles Dickens.
La collection du Livre de Poche créée en 1953 n’était pas absente de la bibliothèque de mon frère. De grands auteurs s’y trouvaient dont André Malraux et ses Conquérants à l’intrigante couverture.
La plupart de ces livres, je parle des beaux livres à la couverture rouge et de quelques autres, portaient en deuxième de couverture une étiquette de distribution des prix ou était inscrit d’une belle écriture à la plume le nom de l’école, l’année scolaire et, en gras, le nom du brillant élève à qui revenait cet honneur, toujours le même, celui de mon frère : Robert Solans.
Parmi tous ces livres aujourd’hui disparu il y en a un qui me tenait particulièrement à cœur : Les joyeux Moffat, le roman heureux d’une famille américaine de Cronbury qui habite une maison jaune menacée de vente dont les quatre enfants ne veulent pas se séparer. L'une de ces enfants, Jane, regarde le monde à l’ envers entre ses jambes et se cache dans les lilas du jardin lorsqu’elle est mélancolique.
Lors d’une des mes visites en Provence j’ai évoqué à Robert mon amour pour ce livre et mes infructueuses recherches pour le retrouver. Le visage de Robert s’est alors éclairé. « Il ne s’agit pas de ce roman où la petite fille observe le monde à l’envers entre ses jambes ? » m’a-t-il demandé. Une image qui nous avait tous les deux marqués.
Il m’a fallu apprendre à effectuer des recherches bibliographiques pour retrouver sa trace dans les années quatre-vingt-dix. Son auteur Eleanor Estes, une bibliothécaire pour enfants, a écrit The Moffatt en 1941. Traduit par Maguie Servant, il a été édité en 1948 Par B Arthaud dans la collection « les Amis des jeunes ».
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