vendredi 11 janvier 2013

Bonne résolution



J’ai décidé de prendre de bonnes résolutions. Au moins une. Il serait temps. Au début je ne savais pas trop bien laquelle, puis l’idée m’est venue un soir pendant le Journal. Le type dans le poste parlait tandis que je finissais une cassolette de dix litres de moules avec une bouteille de Muscadet. D’un coup, j’ai eu comme un grand dégoût de tout. Surtout des moules. J’ai donc décidé d’arrêter. Faut une fin à tout, je me suis dit. En plus le type parlait des 4,7 millions de tonnes d’emballages mis chaque année sur le marché. Il paraîtrait que chaque année, notre production de déchets augmente de 1 à 2 % pour atteindre aujourd’hui le chiffre effrayant de 650 millions de tonnes par an, dont 30 millions pour les ménages. Ces déchets ne sont pas sans conséquence sur notre environnement et notre santé. Il paraît que je m’en trimballe 390 kilos par an. Je comprends mieux maintenant mes problèmes lombaires. J’ai regardé les coquilles de moules et le cadavre de la bouteille Muscadet et j’ai décidé de réagir vigoureusement.


Je suis allé me coucher.

Le lendemain les moules étaient encore là. Elles faisaient la gueule. Moi aussi. Je savais plus de quelle couleur était la poubelle pour les moules. La même que les huîtres et les bigorneaux, je me suis pensé. J’ai tout vidé où j’ai pu, puis j’ai été submergé de honte. Déjà que des milliards de moules faisaient des tonnes de caca dans l’Océan, je n’étais pas responsable du fait qu’on ne puisse acheter les moules, les huîtres et les bigorneaux sans coquilles. Les déchets d’emballages et les déchets de moules entrent pour environ un tiers dans la quantité totale des ordures ménagères. J’en ai eu marre. Pour protester contre le suremballage et les emballages jetables, source de gaspillage et de pollution. Je suis allé investir dans un caddie étanche à l’habillage écossais vert, bleu et jaune. Comme ça je pourrais y mettre à la fois tout types de contenant associés aux couleurs des poubelles pour chaque type de déchet. Tout dans un même caddie. C’est chouette, pratique et écologique.

Derechef je l’ai inauguré. Au magasin, tout le monde me regardait. Certainement à cause du caddie flambant neuf où je vidais scrupuleusement tout le contenu de mes courses en laissant sur place le contenant, c'est-à-dire tous les emballages, en prenant soin toutefois de collecter les codes-barres avant mon passage en caisse.

Et bien sûr il y a toujours des aigris de la vie pour vous la polluer. Deux types à l’air farouche se sont mit à gueuler après moi. « Eh monsieur ! a dit le plus grand. Faut arrêter. – Arrêtez quoi ? – Arrêtez quoi ! Vous ne manquez pas de culot ! Faut arrêter, c’est tout ! On se trimballe pas à poil dans un supermarché avec tout plein de codes-barres collés sur soi ! – Nana-nanère ! Nana-nanère ! – Eh ! vous êtes disjoncté comme mec ! Pis arrêtez de vider vos courses en vrac dans votre caddie et de laisser vos ordures sur place. C'est dégueulasse. Qu'est-ce que vous allez faire de toute cette merde, maintenant ? qu’il a ajouté en mettant la main sur mon caddie. - Ben de la merde, justement." Au loin, j’ai vu se pointer les bleus. « C’est celui qui dit qui y’est ! Ordure toi-même ! » j’ai lâché avant de me débiner en courant avec mon caddie. Les femmes braillaient. Les enfants pleuraient. Les types hurlaient. Les flics couraient. Un beau bordel, j’ai pensé quand ils ont cherché à me coincer dans l’allée 7 au rayon des condiments. « Fais pas le con ! Lâche ton caddie ! Il ne te sera fait aucun mal. Tu verras, tout va bien se passer ! »

J’avais déjà entendu cela à la télé. Quand un type à l’air farouche dit à un autre type à l’air abattu : « Ca va bien se passer ! » t’es sûr que le type à l’air abattu finit boulevard des allongés dans les quinze secondes qui suivent. On ne me l’a fait pas. Alors je les ai bombardés avec des pots de cornichons. Les pots éclataient et les types se protégeaient les yeux des éclats de verre et des éclaboussures de vinaigre, car le vinaigre ça pique.

J’ai essayé les câpres et les oignons blancs. Ca marche aussi. Je m’amusais bien, quand je me suis retrouvé aveuglé par une couverture et que des bras puissants m’ont ceinturés et plaqués au sol.
« On le tient, on le tient !» qu’ils gueulaient, les cons. Dans la bagarre, bien-sûr plein de codes-barres se sont décollés. Ca allait être un beau bordel pour payer la note.

Poubelle bleu : pour les journaux, les magazines, les cartons et les sans papiers. Les bleus m’ont embarqué. Je me suis retrouvé à poil dans le fourgon sans mes courses et mon caddie neuf. Les ordures !


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