lundi 1 juin 2015

Nadi Ken. Elle peint, tout simplement


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Le Grand-Café sur la place de Servian. Je le retrouve en même temps que ce village auquel je reste très attaché depuis l'enfance.

En terrasse, un consommateur attire mon attention. Il boit une bière. Derrière lui se tiennent ses animaux de compagnie, un chien, un chat qui ne se quittent pas d'une patte. Je m'approche doucement et lui demande l'autorisation de le photographier. Il lève son regard tendre vers moi et son visage s'illumine d'un grand sourire qu'il masque d'une main maligne. « Vous voulez me photographier parce que je suis sans dents» Je ne sais si ce trait d'humour a à voir avec notre président de la république. Je bafouille. M'excuse. Je sens que mon embarras l'amuse. Avec ses cheveux coupés courts, en batailles, sa tenue sport, ce que j'ai pris pour un homme est en fait une femme au regard d'enfant. Elle m'invite à m'asseoir. Mon amie se joins à nous. Elle se présente : Nadi Ken. Elle regarde son auditoire. Répond à nos questions pressées. Et voilà que comme dans un conte d'Isak Dinesen, la belle rieuse fait revivre le Paris des années cinquante,lorsqu'elle posait nue pour les peintres et les sculpteurs de Montparnasse.


 
Le temps passe, mon amie et moi-même ne nous lassons pas de l'écouter. Est-ce que Nadi Ken accepterait de déjeuner avec nous. Elle sourit. Comme au bon vieux temps de la dèche, une repas ne se refuse pas. 



Nous nous retrouvons, tous les trois, à une petite table à profiter du soleil et d'un repas printanier. 

Nadi est intarissable. Dans les années cinquante elle fréquentait artistes et intellectuels dans les clubs de St Germain comme Jacques Prévert qui écrira pour elle ce poème : 



 Une enfant qui peint des enfants, avec
quelque part, tout près, Nadi est encore
une enfant.
tendresse, détresse, ingénuité
enfants d'enfants ou de grandes personnes
enfants enfantins parfois
enfants de faits divers et de contes de fées,
innocentes victimes du devoir conjugal
ou radieux souvenirs de l'amour partagé
Jacques Prévert

Ses amis pousseront Nadi ken à présenter et surtout à vendre son travail de peintre. Car Nadi ken dessine et peint depuis toujours. Des paysages, des natures mortes, mais surtout des visages d'enfants aux regards pleins de sensibilité, d'amour, d'espoir. Son métier de peintre elle l'a appris sur le tas. Celui des étudiants qui fréquentent le Café de Flore, La Rhumerie, l'Aquavit. C'est en 1954 qu'elle commencera à vendre ses premiers portraits au café de Flore sur les trottoirs de St Germain des prés. Dès 1956 elle vendra ses toiles à des personnalités. Parmi ses acheteurs on comptera, Jean-Jacques Debout, Onassis, Oppenheimer, Alain Delon, et plus tard dans les années 70 Franck Sinatra, Eddie Constantine, Melina Mercouri, Roger Vadim qui lui en achèteront ou lui commanderont des portraits de leurs enfants.
En 1960 Nadi Ken réalise plus de cinquante tableaux et 4000 gouaches. Toutes ses toiles sont réservées pour le Japon et les États-Unis.
En 1964 elle quittera Paris pour Gastins en Seine et Marne où elle continuera envers et contre tout son parcours de portraitiste.
Depuis douze ans elle est installée à Servian.
Quelle trajectoire que celle de Nadi Ken, une artiste cotée, connue et reconnue dans le monde de l'art. Mais le monde de l'art, elle ne s'en soucis guère. Elle a vendu ses toiles par lot, galeristes et acquéreurs se les bataille. Au monde de l'art, elle préfère la sérénité de l'anonymat.
A quatorze heures, Nadi Ken allume une cigarette. Dans les volutes de fumée, elle s'évapore en compagnie de son chien et de son chat, comme un bel enfant de conte de fées. 
 






















































































                                    

















1 commentaire:

Unknown a dit…

j'ai bien connu nadiken étant une petite fille, quand j'allais en vacance chez mes grands parents à Gastins j'allais la voir pour jouer avec ces colleys et ma grand-mère pour aller la voir et parler, j'adorais aller dans son atelier, j'ai beaucoup de souvenir d'elle.
Une grande dame qui se prenait pas la tête, avec son fils qu'elle aimait beaucoup.