mercredi 31 décembre 2014

A most violent year de J.C. Chandor





Après Margin Call et All Is Lost, J. C. Chandor s’impose comme une des valeurs sûres du cinéma américain, section néoclassique. Est-il un fils de Scorsese pratiquant l’ascèse ou un descendant de Lumet plus esthète ? Toujours est-il qu’avec Chandor on ne s’endort pas. A Most Violent Year nous ramène dans le New York hivernal de 1981, alors que la ville souffrait d’une montée de la criminalité. Dans ce contexte tendu, Abel Morales, homme d’affaires trentenaire d’origine latino, tente de développer sa société de convoyage d’essence. Alors qu’il tente d’acquérir un nouveau local, ses camions-citernes sont régulièrement et brutalement braqués. Gangsters ? Concurrence musclée ? Morales est aussi sujet à un vaste contrôle fiscal. Les ennuis lui tombent dessus de tous côtés. Comme son prénom l’y prédispose, Abel s’efforce d’être du côté du bien. C’est un homme ambitieux, matérialiste, certes, mais qui veut conquérir sa part du rêve américain honnêtement, légalement. Alors que son épouse, son avocat, les circonstances l’encouragent à commettre de petites (ou grandes) entorses à la loi, le ténébreux Abel n’en démord pas : le beurre oui, mais en se regardant droit dans la glace. Pas simple, dans un pays corrompu à tous les niveaux…

Le thème de l’homme droit contraint à tordre son éthique rappelle le Livre de Job ou les tragédies antiques, notamment via James Gray qui en a livré des déclinaisons contemporaines newyorkaises. Stylistiquement aussi, Chandor rappelle l’auteur de La nuit nous appartient avec sa facture classique, sans esbroufe, mais néanmoins enluminée d’éclats discrets. Le choix d’un New York enneigé, tout en teintes brunes et beiges striées par le vert des camions ou le rouge d’une giclée de sang, la transformation de Jessica Chastain en blonde vénéneuse, celle d’Oscar Isaac en parvenu intégré et tiré à quatre épingles (coupe brillantinée, pull mohair, pardessus poils de chameau, gants noirs et visage de sphinx très Pacino, loin d’Inside Llewyn Davis des frères Coen malgré NY et la neige), tout porte la marque d’un cinéaste élégant mais pas flashy. Une discrète mais ferme tenue formelle qui ne brille pas dans le vide mais rehausse une vision pessimiste et lucide de l’Amérique. Chandor pourrait faire sien le fameux vers du non moins célèbre contemporain de Llewyn Davis, Bob Dylan : “To live outside the law, you must be honest” (“Pour vivre en dehors de la loi, il faut être honnête”).

article les inrocks



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