samedi 14 décembre 2013

A Servian avec Jean-Luc




                     Mon père, Antoine SOLANS

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Mon frère aîné se fait vieux. C’est notre lot à tous. Mon tour arrivera un jour. Il m’a avoué que depuis son attaque il portait un regard différent sur la vie et sur les autres. Il m’a avoué aussi ses difficultés parfois à supporter la vie avec toutes les vicissitudes liées à sa santé. Je crois que ma venue lui a remonté le moral. Nous déconnons comme deux gosses. L’entendre rire me fait du bien. Il est le seul frangin qui me reste. 

Alors, lorsque la veille de mon anniversaire, il m’a annoncé que nous allions à Servian, dans l'Hérault, village où nous avons passés toutes nos vacances d'enfant, j’ai eu bien du mal à lui cacher mon émoi. 

Ce fut un grand moment d’émotion de fraternité et de complicité que ce voyage impromptu vers Servian.



Ma première photo du village depuis longtemps


Tout au long du chemin, une belle lumière froide, dénuée des brumes de chaleur, nous a accompagné jusqu’au village atteint au terme de deux heures de route.

Après nous être recueilli sur la tombe de nos parents, mes premiers pas ont été pour franchir le pont ferré dont notre grand-père maternel a participé à la construction. 



                Le pont ferré

En dessous, coule ce filet d’eau le long d’anciennes fortifications qui n’ont de médiévales que le nom. Ce filet d’eau, presque une rigole, fragile, ridicule, en regard d’un lit largement évasé lors de l’aménagement de ses abords. Pourtant, les nuits d’orage, l’eau dévale en torrent depuis les contreforts de la montagne et ces crues soudaines noient terres et maisons. 


                   La Lène

A deux pas du pont, pendant les vacances, Papa garait la 4 CV aux abords du garage au coin de la rue Armand Fallières.


                    Le garage



            La rue Armand Fallières



      L’ancienne maison de ma grand-mère


Au numéro 12, se trouve l'ancienne maison de ma grand-mère. Après avoir poussé la grosse porte et entendu la cloche tinter, j’y accédais par un escalier raide jusqu’à la petite porte fenêtre qui donnait sur l’unique pièce à vivre. C’est là que grand-mère Mathilde résidait avec sa sœur Elvire. Je la trouvais immanquablement chaussée de ses grosses lunettes noires dans son fauteuil en osier à nous attendre. Je couchais dans sa chambre sur une petite paillasse et écoutait la nuit les chats courir sur les tuiles. La lumière des étoiles passait par la lucarne et je regardais ma grand-mère se déshabiller et brosser longuement ses cheveux devant la grande glace avant de se glisser entre les draps. Sous ma couverture je n’avais rien à craindre et m’endormais protéger par cette bonne fée de Mathilde qui me veillait dans l’obscurité qu’elle apprivoisait pour moi. 



Devant cette porte close, Jean-Luc et moi avons évoqué notre premier contact avec notre grand-mère qui nous palpait des pieds à la tête afin de mettre à jour sa mémoire. Je n’ai pas osé sonner à cette porte pour revoir cette maison, sa terrasse et sa magnifique salle de bain. 


     La salle de bain de ma grand-mère


A deux pas de là, j’ai retrouvé ce qui restait de la fontaine publique que nous, les mioches, utilisions, pour faire rouler dans le caniveau nos pelotons de billes. 



Qu’est-ce que j’ai pu la grimper et dévaler cette rue du jardin public avec la volonté et la fougue d’une petite chèvre de montagne pour monter à la place du village faire une course chez Rossignol, l’épicier face à l’église.


            la rue du jardin public

Avec mon frère ce fut plus dur, de quoi admirer les façades et chercher la porte de la première maison achetée par nos parents qu’ils louaient à l’année à une famille d’ouvriers agricoles à laquelle il ont fini par la vendre. 



               Le Grand Café

Et au terme de notre ascension voilà la place et son Grand Café. 

J’y ai retrouvé du regard la place de l’oncle Émilien. Dans les années soixante, A midi, dans cette salle alors comble et enfumée, il chaussait ses lunettes cerclées de fer, et jouait l’apéritif aux cartes. Ma tante Marcelle m’envoyait dans cet antre de perdition pour l’y aller chercher à l’heure du dîner. Dans un parfum d’anis, d’eau de Cologne de tabac et de sueur, je me plaçais aux côtés de l’oncle Émilien, les mains derrière le dos, attendant qu’il ait joué, bien conscient de l’importance du coup. Lorsque la carte avait claqué, sans même me voir, il me glissait d’une main sur son genou, me coiffait de sa casquette et d’un doigt commandait un sirop d’orgeat pour le parisien.




Au Grand Café de droite à gauche, notre cousin Jacques Soriano, Marie-Louise Solans, Jean-Luc Solans et Christian Solans copyright Geneviève Forasiepi

C’est en cet endroit qu’à trôné durant des années le portrait de notre père en champion de l’Hérault. Mon frère l’a vu accroché dans la salle du bar. Moi jamais. Avec les changements de propriétaires elle a fini par être enlevée. Bien des décennies plus tard, Jean-Luc a cherché à la récupérer en vain. Elle avait fini comme la plupart des souvenirs, aux oubliettes. 

En feuilletant le livre album de famille que je venais d’offrir à mon frère, notre cousin Jacques a reconnu la photo que nous pensions disparu à jamais et dont nous possédions une copie. 

   La photo du Grand Café. Antoine Solans, champion de l’Hérault




           Genevieve Forasiepi feuillette l’album de famille 


Geneviève Forasiepi, correspondante pour le Midi Libre, fait énormément pour le village au quotidien dans son blog (cliquez sur blog). Elle n'a pas voulu rater ce rendez-vous avec nous. 


Après le déjeuner nous avons traversé la «place du monument» qui, dans notre enfance s’appelait, me semble-t-il, le Jeu de Ballon. Jeux de ballons, paradoxalement, interdit comme l’indique un panneau municipal.


            Le « jeu de ballons »

Des théâtres ambulants venaient s’y installer pour des représentations en plein air. Il y avait un bureau de tabac qui vendait des bonbons. Et des bancs publics où, plus tard, j’y retrouvais les copains et surtout les copines.

Au fond de la place du monument, derrière la statue, des escaliers descendent dans le square du monument dont les bains-douches ont fermés. 





Le temps nous étant compté, nous avons quitté le village bien à regret après quatre heures de déambulation amoureuse. 

Merci Jean-Luc et Marie Louise pour cet instant de bonheur partagé.



Jean-Luc, Marie-Louise, Christian SOLANS et notre cousin Jacques Soriano. Copyright Geneviève Forasiepi.












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