L'un des dessinateurs français les plus importants de sa génération, Jean Giraud, alias Moebius, est mort ce samedi à Paris des suites d'une longue maladie.
Triste nouvelle
qui touche autant les générations de lecteurs qui attendaient dans
Pilote, les aventures du Lieutenant Blueberry, que les inconditionnels
de Métal Hurlant. Révolutionnaire, ébouriffant, délibérément tourné
vers la science-fiction, ce magazine qu’il fonde en 1975 avec Jean-Pierre
Dionnet et Philippe Druillet a durablement marqué l’histoire de la BD mondiale.
Sous le pseudo de Moebius, Jean Giraud y signe quelques « monuments »
(Arzach, Le Garage Hermétique) et devient en peu de temps une
référence mondiale en matière de création graphique. Ce n’est pas pur hasard si
nombre de grands noms du cinéma, de l’animation, du manga et des jeux vidéo
(James Cameron, Hayao Miyazaki, Georges Lucas, Ridley Scott, Go Nagai, Luc
Besson…) lui ont rendu publiquement hommage ou fait appel à ses services comme
pigiste de luxe sur leurs super productions. Architectures verticales, vaisseaux
rouillés, déserts magnétiques, créatures en tout genre, chutes vertigineuses,
ambiances poisseuses où la sueur se mêle au high-tech: l’imaginaire moebiusien a
littéralement façonné, bordé, « modélisé » la SF des trente dernières années.
Que seraient Tron, Le Cinquième Elément, Alien,
Blade Runner, Willow ou Abyss sans la « Moeb’ touch »
?
Souvent imité,
mais rarement égalé, l’univers moebiusien reposait sur une maîtrise technique
parfaite : un trait simple comme un coup de sabre japonais mais aussi essentiel
qu’un haïku. S’il a contribué à faire entrer la BD dans l’âge adulte, Jean
Giraud est surtout parvenu à la hisser au rang des beaux-arts, à la faire
reconnaître comme un nouvel avatar , une forme hybride mais légitime du dessin.
On gardera de lui l’image d’un esprit brillant, libre qui ne s’embarrassait pas
avec le prêt-à-penser et les pudibonderies de notre époque.
Il aimait mettre les
pieds dans le plat et lâcher des gros mots devant les beaux esprits et les
assistances trop révérencieuses, avec le sourire malicieux d’un gamin surpris en
train de chiper des bonbons. Certains le trouvaient hautain ; pourtant Jean
Giraud se sentait bien au milieu des gens, presque trop. L’homme acceptait
toutes les dédicaces et aimait discuter avec ses fans, sans tenir compte des
horaires, ni de l’âge ou du statut de ses interlocuteurs. Peut-être parce que sa
notoriété ne lui a jamais fait oublier son enfance modeste et populaire dans le
pavillon de ses grands parents à Fontenay-sous-Bois. Avec lui, c’est un phare,
un repère et un bout de notre jeunesse aussi, qui foutent le camp. Jean, vous
allez nous manquer…
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