jeudi 7 février 2013

Lorsque papa dansait




Mes parents et mes frères Jean-Luc & Robert


               Le soleil de septembre flottait dans l’air comme un parfum de vacances. Le dimanche, papa sortait l’automobile et nous montions en famille jusqu’à Montfermeil prendre le café chez des amis de mes parents. Je restais à jouer en les attendant dans le jardin pavillonnaire. En fin d’après-midi la chaleur tombait et nous gagnions à l’ombre des arbres les berges de l’étang des Sept-Iles. Je ne manquais jamais d’y faire de la balançoire puis papa nous emmenait faire une partie de canotage. Nous faisions une halte sur l’une des petites îles et paressions dans l’herbe au soleil. J’étais attendri par le bruissement des feuilles, le pépiement des oiseaux, le clapotis de l’eau sur les pontons, les voix des canoteurs, les rires des enfants et le plongeon du bois des rames dans l’onde glauque. Juste après notre retour et l’accostage final je restais un temps à regarder les derniers canoteurs partir puis disparaître derrière les lourds branchages inclinés dans l’eau.



Nous ne partions jamais sans un petit passage à la guinguette le Balajan ou je restais seul attablé à boire un jus de fruits tandis que mes parents dansaient sur la piste. Mes parents étaient bons danseurs. Quand ils étaient jeunes, cette occupation ne coûtait guère et ils en avaient usés abondamment. Puis mes deux aînés étaient arrivés et depuis lors ils ne leurs restaient que ces petits moments de fin d’été ou mon père entraînait ma mère sur la piste et la faisait virevolter autours de lui comme dans un songe sans fin. Et le monde tournait, tournait, tournait, autour d’eux sous les pas de mon père aux souliers cirés. Ces petits moments de bonheur faisaient briller la prunelle de ses yeux noirs. Ils le rendaient heureux. Les danseurs ont arrêtés de danser depuis. Les canots ont été remisés. Les Sept-Iles asséchées pour y construire un centre commercial. C’était en 1966.

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