jeudi 30 juin 2011

Légumes extraordinaires d'Edouard Legros

A St Pierre de Fursac en Creuse, au coeur du parc de Tancognaguet, de l’arboretum et des jardins, Edouard Legros présente une exposition de photos : "Légumes extraordinaires". Edouard Legros transforme transforme les légumes de notre jardin en objets de curiosités et oeuvres extraordinaires.
du 1er Juillet au 31 Août de 15h à 19h (sauf le mardi)

mardi 28 juin 2011

Dennis Hopper

Dennis Hopper a plus d’une corde à son arc. A ce niveau-là, on peut même parler de harpe. Il a tout fait. L’acteur, le réalisateur, le peintre, le poète… Et c’est, aujourd’hui, Dennis Hopper le photographe qui est à l’honneur, alors qu’il sort de l’hôpital pour cause de symptômes grippaux… heureusement, tout va bien. Après l'édition de luxe Taschen, lui consacre un ouvrage de 546 pages aux photographies que Dennis Hopper a prises entre 1961 et 1967. En effet, l’artiste ne se sépare jamais de son appareil photo et a l’oeil pour traduire le quotidien américain. Dennis Hopper, photographe 1961-1967, Taschen, 50 €

lundi 27 juin 2011

Hervé, Brigitte Ollier

Brigitte Ollier a recueilli les témoignages de ceux qui ont plus ou moins connu Hervé Guibert (1955-1991). De ses débuts au journal Le Monde grâce à Yvonne Baby à la réalisation de La Pudeur ou l’Impudeur, son film testament, tous évoquent avec émotion ce jeune homme secret, aussi à l’aise dans la critique photo que derrière l’objectif de son Rollei 35. Éclats d’une vie romanesque, Hervé éclaire l’écrivain-photographe, dont l’œuvre est, pour Christine Guibert, « comme un espace clos, totalement construit et fini. »
"J'ai toujours aimé la compagnie des morts, mais Hervé Guibert fut un fantôme si rebelle que je crus l'avoir importuné par mégarde. C'est pourtant lui qui s'était glissé dans mon sommeil, une nuit, sans avoir pris rendez-vous. Sa présence m'avait étonnée. Je ne l'avais jamais rencontré, il était déjà entré dans la légende. Je l'imaginais plutôt calme, et là, tel un boxeur déçu par le poids de son adversaire, il s'agitait. Il parlait avec de grands gestes mais je n'entendais pas ses paroles : c'était un rêve muet, dont il était le ventriloque." B.O.
Hervé par Brigitte Ollier, ed Fuligranes, 15 €

dimanche 26 juin 2011

Edouard Boubat

« Fermez les yeux, imaginez un chat. Imaginez une présence noire et douce, une certaine qualité de silence, de ruse, de somnolence. Sur cette présence faussement endormie, plantez deux yeux, des yeux clairs, purs, limpides. Des yeux d'ange si vous voulez. Les anges sont aussi malicieux que les chats - et comme eux, ils passent un temps considérable à dormir. Vous y êtes, vous l'avez ? Un chat noir velours avec des yeux d'ange. Bien. Nous pouvons continuer. A présent, reculez d'un pas ou deux. Trois, quatre mètres ce serait bien. Ne regardez plus le chat. Ne faites pas attention aux moustaches de l'ange. Il faut que ces deux-là - le chat et l'ange - ne se doutent de rien. Maintenant, très vite, vous ouvrez la fenêtre et vous laissez venir. Le plus important dans cette phrase, ce n'est pas le mot "fenêtre", c'est le mot "ouvrir". A partir du moment où vous faites le geste d'ouvrir, tout arrive. J'oubliais : avant la fenêtre, avant même d'imaginer le chat, il fallait ouvrir son coeur - sinon il ne se passera rien, sinon le chat ne viendra même pas vous faire l'honneur de paresser chez vous. Donc, après ouverture, tout arrive. Dans ce tout, on peut citer des jeunes femmes du Brésil et d'ailleurs, des bonshommes de neige sans domicile fixe, des enfants de Paris et de Chine, des poules du Népal et de Corrèze, des chapeaux, des pains de campagne, des giboulées, des fleurs. Mais on n'en finirait pas de citer . Tout ce qui arrive rentre dans la pièce, va et vient. Regardez bien : l'ange ouvre un oeil, soulève une paupière. Le chat lève la tête. En un coup de patte il prend tout ça, enfants, femmes, bonshommes de neige, chapeaux, pains, poules, ombres, lumières - il prend sans prendre. Et maintenant il s'en vont, les deux, le chat et l'ange. Ils portent une petite valise de carton, noire. Sur la valise, une étiquette : "Boubat, Edouard, invisibles en tous genres". Dans la valise, un appareil photo. Voilà. Vous pouvez ouvrir les yeux : tout le monde a disparu. Demeurent les images ».

Du 13 Avril au 24 Juillet 2001

au musée français de la carte à jouer

16 rue Auguste Gervais à Issy-les-Moulineaux

samedi 25 juin 2011

Le souvenir des morts

David Richardson
"Pour la première fois je compris que ce regard fixe et sans pleurs (ce qui faisait que Françoise la plaignait peu) qu'elle avait depuis la mort de ma grand'mère était arrêté sur cette incompréhensible contradiction du souvenir et du néant. D'ailleurs, quoique toujours dans ses voiles noirs, plus habillée dans ce pays nouveau, j'étais plus frappé de la transformation qui s'était accomplie en elle. Ce n'est pas assez de dire qu'elle avait perdu toute gaîté ; fondue, figée en une sorte d'image implorante, elle semblait avoir peur d'offenser d'un mouvement trop brusque, d'un son de voix trop haut, la présence douloureuse qui ne la quittait pas. Mais surtout, dès que je la vis entrer, dans son manteau de crêpe, je m'aperçus – ce qui m'avait échappé à Paris – que ce n'était plus ma mère que j'avais sous les yeux, mais ma grand'mère. Comme dans les familles royales et ducales, à la mort du chef le fils prend son titre et, de duc d'Orléans, de prince de Tarente ou de prince des Laumes, devient roi de France, duc de la Trémoïlle, duc de Guermantes, ainsi souvent, par un avènement d'un autre ordre et de plus profonde origine, le mort saisit le vif qui devient son successeur ressemblant, le continuateur de sa vie interrompue. Peut-être le grand chagrin qui suit, chez une fille telle qu'était maman, la mort de sa mère, ne fait-il que briser plus tôt la chrysalide, hâter la métamorphose et l'apparition d'un être qu'on porte en soi et qui, sans cette crise qui fait brûler les étapes et sauter d'un seul coup des périodes, ne fût survenu que plus lentement. Peut-être dans le regret de celle qui n'est plus y a-t-il une espèce de suggestion qui finit par amener sur nos traits des similitudes que nous avions d'ailleurs en puissance, et y a-t-il surtout arrêt de notre activité plus particulièrement individuelle (chez ma mère, de son bon sens, de la gaîté moqueuse qu'elle tenait de son père), que nous ne craignions pas, tant que vivait l'être bien-aimé, d'exercer, fût-ce à ses dépens, et qui contre-balançait le caractère que nous tenions exclusivement de lui. Une fois qu'elle est morte, nous aurions scrupule à être autre, nous n'admirons plus que ce qu'elle était, ce que nous étions déjà, mais mêlé à autre chose, et ce que nous allons être désormais uniquement. C'est dans ce sens-là (et non dans celui si vague, si faux où on l'entend généralement) qu'on peut dire que la mort n'est pas inutile, que le mort continue à agir sur nous. Il agit même plus qu'un vivant parce que, la véritable réalité n'étant dégagée que par l'esprit, étant l'objet d'une opération spirituelle, nous ne connaissons vraiment que ce que nous sommes obligés de recréer par la pensée, ce que nous cache la vie de tous les jours... Enfin dans ce culte du regret pour nos morts, nous vouons une idolâtrie à ce qu'ils ont aimé. Non seulement ma mère ne pouvait se séparer du sac de ma grand'mère, devenu plus précieux que s'il eût été de saphirs et de diamants, de son manchon, de tous ces vêtements qui accentuaient encore la ressemblance d'aspect entre elles deux, mais même des volumes de Mme de Sévigné que ma grand'mère avait toujours avec elle, exemplaires que ma mère n'eût pas changés contre le manuscrit même des lettres. Elle plaisantait autrefois ma grand'mère qui ne lui écrivait jamais une fois sans citer une phrase de Mme de Sévigné ou de Mme de Beausergent. Dans chacune des trois lettres que je reçus de maman avant son arrivée à Balbec, elle me cita Mme de Sévigné comme si ces trois lettres eussent été non pas adressées par elle à moi, mais par ma grand'mère adressées à elle. Elle voulut descendre sur la digue voir cette plage dont ma grand'mère lui parlait tous les jours en lui écrivant. Tenant à la main l'« en tous cas » de sa mère, je la vis de la fenêtre s'avancer toute noire, à pas timides, pieux, sur le sable que des pieds chéris avaient foulé avant elle, et elle avait l'air d'aller à la recherche d'une morte que les flots devaient ramener. Pour ne pas la laisser dîner seule, je dus descendre avec elle. Le premier président et la veuve du bâtonnier se firent présenter à elle. Et tout ce qui avait rapport à ma grand'mère lui était si sensible qu'elle fut touchée infiniment, garda toujours le souvenir et la reconnaissance de ce que lui dit le premier président, comme elle souffrit avec indignation de ce qu'au contraire la femme du bâtonnier n'eût pas une parole de souvenir pour la morte. En réalité, le premier président ne se souciait pas plus d'elle que la femme du bâtonnier. Les paroles émues de l'un et le silence de l'autre, bien que ma mère mît entre eux une telle différence, n'étaient qu'une façon diverse d'exprimer cette indifférence que nous inspirent les morts. Mais je crois que ma mère trouva surtout de la douceur dans les paroles où, malgré moi, je laissai passer un peu de ma souffrance. Elle ne pouvait que rendre maman heureuse (malgré toute la tendresse qu'elle avait pour moi), comme tout ce qui assurait à ma grand'mère une survivance dans les cœurs. Tous les jours suivants ma mère descendit s'asseoir sur la plage, pour faire exactement ce que sa mère avait fait, et elle lisait ses deux livres préférés, les Mémoires de Mme de Beausergent et les Lettres de Mme de Sévigné. Elle, et aucun de nous, n'avait pu supporter qu'on appelât cette dernière la « spirituelle marquise », pas plus que La Fontaine « le Bonhomme ». Mais quand elle lisait dans les lettres ces mots : « ma fille », elle croyait entendre sa mère lui parler."
Marcel Proust; A la recherche du temps perdu, volume 4 : Sodome et Gomorrhe.

jeudi 23 juin 2011

La maison bleue

C’est une maison victorienne du quartier de Castro, l’ancien quartier mexicain, au 3841 de la 18e rue. Au fil du temps, sa couleur a changé… elle est devenue, grise, ou verte, c’est selon. Un véritable sacrilège à la mémoire de la chanson de l’artiste et au patrimoine français ! Une entreprise de réhabilitation est donc en œuvre depuis début juin, afin de rendre à la « maison bleue » sa couleur d’origine, avec l’accord du propriétaire actuel, lequel, lorsqu’il a acquis la maison, ne connaissait rien à l’histoire de la chanson. Pour la première fois, Maxime Le Forestier refera le voyage qui l’avait conduit vers ses aventures hippies de 1971.

mercredi 22 juin 2011

Osez le clito !

«le clitoris est politique!»...
«Il est souvent oublié, nié, voire mutilé.» Lui, c’est le clitoris, que l’association Osez le féminisme veut mettre à l’honneur en lançant sa campagne «Osez le clito». Le but est de «parler et faire parler des plaisirs sexuels des femmes». «Les sexualités des femmes sont multiples, peuvent se vivre en dehors de toute procréation et ne sont pas forcément complémentaires des sexualités masculines», clame l’association sur son site, affirmant que «le clitoris est politique!» Osez le féminisme invite le grand public à participer à l’«action coup de poing» (campagne d’affichage et de pochoirs) dans Paris et une quinzaine de villes en France. En attendant, une vidéo a été mise en ligne sur le site de l’événement. Dans le spot, chacun est invité à raconter ce que lui évoque le clitoris. Tour à tour oiseau, bourgeon, chanson de Brassens, bouton, cornichon, oeuvre d’art ou fruit, le petit organe du plaisir est aussi décrit comme un phénix capable de s’enflammer et de renaître de ses cendres un nombre incalculable de fois. Suivez les bons conseils de PAPOU. Pendant les vacances clitorez-vous : osez un bon livre : Le comte de Monte Clito, usez sans modération d'un clito sinon rien et n'oubliez jamais que quand le clito rit les souris dansent. Alors, osez le clito.
La campagne "Osez le clito !" par Nouvelobs

dimanche 19 juin 2011

La photographie

"Hélas, ce fantôme-là, ce fut lui que j'aperçus quand, entré au salon sans que ma grand'mère fût avertie de mon retour, je la trouvai en train de lire. J'étais là, ou plutôt je n'étais pas encore là puisqu'elle ne le savait pas, et, comme une femme qu'on surprend en train de faire un ouvrage qu'elle cachera si on entre, elle était livrée à des pensées qu'elle n'avait jamais montrées devant moi. De moi – par ce privilège qui ne dure pas et où nous avons, pendant le court instant du retour, la faculté d'assister brusquement à notre propre absence – il n'y avait là que le témoin, l'observateur, en chapeau et manteau de voyage, l'étranger qui n'est pas de la maison, le photographe qui vient prendre un cliché des lieux qu'on ne reverra plus. Ce qui, mécaniquement, se fit à ce moment dans mes yeux quand j'aperçus ma grand'mère, ce fut bien une photographie. Nous ne voyons jamais les êtres chéris que dans le système animé, le mouvement perpétuel de notre incessante tendresse, laquelle, avant de laisser les images que nous présente leur visage arriver jusqu'à nous, les prend dans son tourbillon, les rejette sur l'idée que nous nous faisons d'eux depuis toujours, les fait adhérer à elle, coïncider avec elle. Comment, puisque le front, les joues de ma grand'mère, je leur faisais signifier ce qu'il y avait de plus délicat et de plus permanent dans son esprit, comment, puisque tout regard habituel est une nécromancie et chaque visage qu'on aime le miroir du passé, comment n'en eussé-je pas omis ce qui en elle avait pu s'alourdir et changer, alors que, même dans les spectacles les plus indifférents de la vie, notre œil, chargé de pensée, néglige, comme ferait une tragédie classique, toutes les images qui ne concourent pas à l'action et ne retient que celles qui peuvent en rendre intelligible le but ? Mais qu'au lieu de notre œil ce soit un objectif purement matériel, une plaque photographique, qui ait regardé, alors ce que nous verrons, par exemple dans la cour de l'Institut, au lieu de la sortie d'un académicien qui veut appeler un fiacre, ce sera sa titubation, ses précautions pour ne pas tomber en arrière, la parabole de sa chute, comme s'il était ivre ou que le sol fût couvert de verglas. Il en est de même quand quelque cruelle ruse du hasard empêche notre intelligente et pieuse tendresse d'accourir à temps pour cacher à nos regards ce qu'ils ne doivent jamais contempler, quand elle est devancée par eux qui, arrivés les premiers sur place et laissés à eux-mêmes, fonctionnent mécaniquement à la façon de pellicules, et nous montrent, au lieu de l'être aimé qui n'existe plus depuis longtemps mais dont elle n'avait jamais voulu que la mort nous fût révélée, l'être nouveau que cent fois par jour elle revêtait d'une chère et menteuse ressemblance. Et, comme un malade qui ne s'était pas regardé depuis longtemps, et composant à tout moment le visage qu'il ne voit pas d'après l'image idéale qu'il porte de soi-même dans sa pensée, recule en apercevant dans une glace, au milieu d'une figure aride et déserte, l'exhaussement oblique et rose d'un nez gigantesque comme une pyramide d'Égypte, moi pour qui ma grand'mère c'était encore moi-même, moi qui ne l'avais jamais vue que dans mon âme, toujours à la même place du passé, à travers la transparence des souvenirs contigus et superposés, tout d'un coup, dans notre salon qui faisait partie d'un monde nouveau, celui du temps, celui où vivent les étrangers dont on dit « il vieillit bien », pour la première fois et seulement pour un instant, car elle disparut bien vite, j'aperçus sur le canapé, sous la lampe, rouge, lourde et vulgaire, malade, rêvassant, promenant au-dessus d'un livre des yeux un peu fous, une vieille femme accablée que je ne connaissais pas." Marcel Proust, A la recherche du temps perdu, volume 3, Le côté de Guermantes .

samedi 18 juin 2011

Far Out! de Bernard Plossu

Avec Yann le jeudi 16, après une pizza aux trois fromages nous avons été assister à une projection ou des "images en mouvement" du photographe Bernard Plossu. Trois films très personnels en 8mm (sans son, musique, tambour et trompette ) tournés entre 1963 et 1966 au Mexique à Vera Cruz et en Californie. Ce fut aussi l'occassion pour le photographe d'évoquer avec humour, malice et émotion cette période de sa vie ou il débutait dans la photographie.
Bernard Plossu découvre la Californie en 1966, un an avant le Summer of Love. En pleine période hippie, il fréquente la City Lights Bookstore, croise Joan Baez et ses soeurs, rencontre Henry Miller et photographie sans arrière-pensée ses amis artisans, écrivains et artistes (certaines de ces photographies sont inédites, notamment les images en couleurs de 1966 à Haight-Ashbury). En 1970, attiré par l’Inde, Bernard Plossu se rend à Ceylan puis à Goa. Sincèrement hippie, il vit son époque intensément non sans une certaine naïveté.
Le magazine Réponses Photo vient de sortir en kiosque un hors série qui lui ai en partie consacré. Et les éditions Médiapoéditions éditent les deux reportages publiés par Rock & Folk en 70 et 71 avec des textes et des photos de Bernard Plossu sous le titre Far Out! Les années Hip : Haight-Ashbury, Big Sur, India, Goa. 15 €. Que de la balle et des dépenses en perspective pour Lou.

jeudi 16 juin 2011

Terrence Malick est grand

Je ne sais ce qu'un public attend d’un film honoré par la Palme d’or au festival de Cannes ? Hormis celui du cinéma, quels liens peut-ils exister entre un film plébiscité unanimement comme « Pulp Fiction » de Quentin Tarentino, primé en 1994, et celui controversé comme «Le ruban blanc» de Michael Haneke en 2009 ? Celui d’être tout simplement une œuvre d’art. Le résumé du film, le pitch comme l’on dit dans les milieux branchés, se voulait simple, trop simple peut-être. « Jack grandit entre un père autoritaire et une mère aimante, qui lui donne foi en la vie. La naissance de ses deux frères l'oblige bientôt à partager cet amour inconditionnel, alors qu'il affronte l'individualisme forcené d'un père obsédé par la réussite de ses enfants. Jusqu'au jour où un tragique événement vient troubler cet équilibre précaire. » Et voilà résumé en quelques lignes deux heures quarante d’un film à la bande annonce trompeuse, trop trompeuse, qui bien loin d’être la saga familiale avec Brad Pitt à laquelle on pourrait s'attendre, s’ouvre sur cette citation du livre de Job : « Où étais-tu quand je fondais la terre? Dis-le, si tu as de l'intelligence. Qui en a fixé les dimensions, le sais-tu? Qui a tendu sur elle le cordeau ? Sur quoi ses bases sont-elles appuyées? Qui en a posé la pierre angulaire, alors que les étoiles du matin éclataient en chants d'allégresse et que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie ? » (Livre de Job, chapitre 38, versets 4,7). Depuis son premier film, le divin est en toute chose chez Terrence Malick que ce soit un arbre dans un jardin, ou tout simplement le mystère de la création. Mettre en scène la création du monde – et ceci dans une fresque surprenante d’une vingtaine de minutes où s’entremêlent couleurs flamboyantes, effets spéciaux et paysages grandioses (Ce n’est ni Ushuaia ni la Terre vue du ciel) –, peut en déstabiliser plus d’un, (c’est même l’un des arguments contre le film puisque certains spectateurs s’échappent dès les vingt premières minutes de projection.) Mais le grand thème de son film est avant tout celui du rapport de l’être au tout-puissant, que celui-ci soit Dieu ou son double terrestre, le père. Plus précisément, les souffrances de Job et la thématique de la relation père-fils en tissant un récit de l’enfance dont le point culminant est la la révélation brutale d’un monde imparfait, nullement protégé par Dieu, et traversé par la mort et la violence, la douleur et la tragédie. Et le jury ne s’est pas trompé en récompensant un film absolument magnifique baigné de poésie de musique et de spiritualité. Une œuvre d’art vous dis-je. PAPOU

A l'île de Ré (4)

Photos Papou 2011