samedi 17 avril 2021

1970 et les autres (24 ) New orléans Funk

 

 

    En larmes, nous sommes passés au large de la Nouvelle Orléans sans entendre le moindre son de guitare ni voir la côte avec les jumelles de la passerelle et atteint Mobile que je n'ai pas vu non plus étant de service à bord. En calculant bien j'aurais été de service au moins deux jours à la Nouvelle Orléans. J'avoue que je préférais que ce soit à Mobile plutôt plutôt qu'à « Big Easy ». Nounours pliait toujours ses billets en dépit de son état de santé déplorable au vu de son carnet de santé personnel. Toutes les maladies vénériennes s'y alignaient avec un nombre de croix incalculables. Un truc à crever comme un de ses concurrents qui, dans l'Océan Indien, s'était effondré sur le pont à Aden en proie, après diagnostic, à une méningite gonococcique. Le genre de concours imbécile auquel je n'ai jamais pris part, donc rien attrapé, en pratiquement deux ans à bord.     Nounours seul en tête avait un talent de gagneur, tandis qu'un autre, dont le nom m'échappe, pleurait à chaude larmes depuis deux ans au départ de chaque étape pour n'avoir rien vu puisque il était bourré dès le premier bar à chaque escale. Un tour du monde des bistrots et une mort assurée à l'éthanol. Paix à leurs âmes.

    Quoi qu'il en soit, de service j'ai assuré la visite du bord autorisée aux nombreux habitants de Mobile venus au port voir l'aviso français. Propre comme un sou neuf, j'ai fait le service  sans un mot d'anglais. A l'italienne. Le clou de la journée fut une visite de  deux écolières, dont une pratiquait un peu le français, et leurs parents. Ce fut un moment très agréable avec des gens bien plus au fait de la culture française que je ne pouvais l'être. Notre poste équipage bien nettoyé fut visité puisque Nounours n'était pas là. Même Gordini fit une apparition. Je ne vous ai pas parlé de mon pôte Gordini ? C'est un tord. Je l'ai fréquenté un sacré bout de temps.

    En plus des 140 hommes d'équipage, nous avions à bord une colonie de cafards bien plus nombreuse. On s'y habitue. On vit avec. Il fallait tout mettre sous plastique afin de protéger au mieux ses vêtements de leurs déjections. Une collection de papillons sous verres fut ruinée par leurs dents acérées et leur appétit vorace. Quelques journées de désinfection intense pour nous en débarrasser et des seaux de cadavres à virer. Une journée à la plage tandis que le poste irrespirable était livré aux désinfectants supers puissants avant que la ventilo ne le rende l'air plus respirable. Je rassure tout le monde aucun personnel de bord n'en est mort. Du moins pas encore à ma connaissance.

    Gordini fut baptisé ainsi le jour ou je l'ai peint en bleu avec deux bandes blanches. On le voyait apparaître de temps à autre telle une voiture de courses. Je ne sais comment il s'est débrouillé mais il à échappé à toutes les phases d'exterminations jusqu'à Lorient.

    Enfin ce jour de visite il est apparu, ce qui le premier moment de stupeur passé et mes explications données fit rire toute la famille qui prit le soin de quitter le poste équipage fissa.

    Le soir je fus appelé à la coupée. Les jeunes filles m'y attendaient avec un gâteau à la cannelle fait maison. Désireuses de m'inviter chez elles avec leurs parents,j'en fis la demande à l'officier de service qui me refusa l'autorisation. Je restais avec mon gâteau et vis disparaître les fleurs d'Alabama.

    J'ai partagé mon gâteau en écoutant une cassette de funk new Orléans qu'un pote eut l'obligeance de m'acheter. J'ai laissé quelques miettes pour Gordini. Un pote je vous dit.

 

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