samedi 13 février 2021

1970 et les autres (18 ) Rare Bird, Sympathy


 

    De la Nouvelle Calédonie après un mouillage rapide à Maré une des îles Loyauté, nous reprîmes notre route dans les eaux du Pacifique. Parfois la proue fendait les flots d'une « mer d'huile » suffisamment étrange pour être signalé aux membres de l'équipage qui découvraient une étendue dénuée du moindre frissonnement à sa surface hormis le jeu des poissons volants que nous pouvions observer avec ravissement tout à loisirs dans nos jumelles depuis la passerelle. Suivi une courte escale à Port-Vila capitale du condominium franco britannique des nouvelles Hébrides composé d'environ 80 îles qui s'étendent sur 1 300 kilomètres. Devenues indépendantes en 1980 elles ont été baptisées les îles Vanuatu.

    Il nous arrivait de mouiller souvent. Le poste équipage numéro 1 situé à l'avant du bâtiment n'était pas épargné lorsque les ancres lâchées vers les profondeurs entrainaient les chaînes par les puits métalliques dans un fracas épouvantable.

    Un après-midi, n'étant pas de service, je faisais ce que je sais faire le mieux : la sieste. Profondément endormi je fus secoué vigoureusement et réveillé en sursaut. Le bruit était assourdissant. Le poste équipage plongé dans le rouge de la vision nocturne. Je vis quelques camarades affolés équipés de ceintures de sauvetage et Daniel me cria : « Christian, Christian on coule ! » et de déguerpir non sans m'avoir balancé dans la gueule une ceinture de sauvetage. Sourd à tout raisonnement et en proie à un instinct de survie, je jaillis à poil de ma bannette la ceinture de sauvetage enfilée à la va comme je te pousse pour rejoindre les canots de sauvetage. L'échelle de poste était encombré de corps que j'escaladais avec l'énergie du désespoir afin d'atteindre le pont. Des corps secoués de rire tant j'avais marché dans leur combine prêt à débouler sur le pont et me jeter à l'eau, sous les yeux des hommes de quart.

    Ce soir là, toute la bande fit une virée à port-Vila, dont je n'ai gardé aucun souvenir si ce n'est de me réveiller vivant le lendemain matin dans ma bannette tout habillé et doté d'un mal de crâne épouvantable.

    Nous avions quitté Port-Vila pour nous rendre jusqu'à Wallis et Futuna le territoire français séparé de la métropole par 16000 kilomètres, notre dernière étape avant la Polynésie française et ses 100 iles dont Tahiti notre port d'attache et la division des avisos du Pacifique.

    Nous étions attendu. Nous avons préparé le bâtiment afin d'être présentable après une aussi longue traversée à notre arrivée à la base de Fare Ute à Papeete. Nous étions resplendissant tout de blanc vêtu afin d’accueillir à bord l'ALPACI l'amiral commandant de la flotte du Pacifique qui après un passage en revue des plus rapides s'éclipsa, remplacé avantageusement par un ballet de vahinés. Le commandant et les officiers coiffés d'une couronne de tiaré et couverts de fleurs furent invités à danser le tamure, cette danse traditionnelle en duos improvisés où l'homme bat des cuisses dans un mouvement de ciseau, et où la femme roule des hanches sur un accompagnement de percussion. Le rythme des percussions et le balancement des hanches de la danseuse sont liés, où se succèdent des phases lentes et d'accélérations rapides. Ce qui occasionna pas mal de fous rires, couverts par nos claquements de mains et applaudissements à voir nos supérieurs se dandiner tels des pintades.

    Mais ce n'était pas tout ça, nous avions du boulot. Nous devions préparer le cocktail du soir.

    La plage arrière fut couverte d'une bâche et décorée autours de pavillons du monde entier. Éclairage et sono afin d'assurer l'ambiance. Puis avec Daniel fin prêt pour assurer le service et préparer les canapés. Ah la préparation des canapés ! Un préparé, trois avalés. Le commis aux vivres déplorait le manque de rapidité dans la préparation de si peu de toasts avec autant de denrées à disposition. Idem pour le service. En uniforme immaculé, avaler trois canapés et une flute était un jeu d'enfant en se glissant derrière l'affut de 100mm. Notre façon de participer aux festivités et admirer les occidentales invitées à bord en train de roucouler avec les officiers. Il est certain qu'à l'issue de la soirée nous n'avions plus faim. Le rangement expédié nous avons été autorisé à sortir en ville visiter Papeete.

 

                                    Une virée avec les potes

 Tous les bars du front de mer furent visités. En rentrant, j'aurai pu écouter du Tamure ou du Salegi comme Tino saoul d'amour. Je lui ai préféré du rock, On ne se refait pas, en sirotant Hinano et Manuia les bières locales à un prix dérisoire. Bonjour Tahiti.

 


 

vendredi 5 février 2021

1970 et les autres (17 ) Steppenwolf, born to be wild

 


    Pour beaucoup, quitter Diego Suarez fut un crève cœur. Tino qui n'avait pas obtenu sa mutation en fut très affligé. Il avait fait la connaissance d'une enseignante dont il était éperdument amoureux. Dans un quartier de Diégo peu recommandé aux européens, il y avait fait rapidement sa place et était accepté par sa gentillesse, sa générosité et les rudiments de malgache qu'il partageait avec les locaux. Je crois me souvenir qu'il avait pensé un temps à déserter afin de rester sur cette île qu'il avait fait sienne. Ramené à la raison, il laissait sur place son amour malgache, qu'il  retrouva plus tard pour fonder une famille en métropole avant que les aléas ne le fasse sombrer dans l'alcoolisme et se perdre définitivement dans les abîmes de la vie, comme me l'a appris, Jacques,  un ami du Henry retrouvé récemment.

    Après Diego Garcia, la vie à bord repris son cours en traversant la mer du Timor jusqu'à atteindre Port Moresby en Papouasie Nouvelle Guinée, sous administration  australienne. Les conditions de travail et de vie des Papous étaient lamentables. Je ne garde de cette escale qu'un sentiment de honte et de dégoût,embarqué que je fus avec quelques camarades par une bande de blancs pas des plus fréquentables vers un village sur pilotis où végétait une population indigène. Des filles arrivèrent. Des filles apeurées amenées de force pour y être assurément violées. Le temps semblait long. Les types furent vite gorgés d'alcool. Le ton monta, suivi d'insultes et de coups sur ces pauvres filles avant d’échanger quelques coups de poings avec cette bande de salauds, ce qui permis aux filles de s'enfuir et nous de nous trisser fissa vite avant de nous faire trouer la peau lorsqu'une arme automatique se montra menaçante. Une journée écœurante à mes yeux qui vint un peu plus dessillé mon regard sur la colonisation.

     Prendre le large par la mer de corail fut un soulagement, hanté que j'étais par cette vision désastreuse du monde.

    Nouméa reste l'une des villes les plus industrialisées de l'Outre-mer français, par le biais de la transformation de nickel, mais aussi par la présence d'un réseau assez dense de petites industries produisant pour le marché local et surtout avec une présence importante des fonctions et services publics d'État, de la Nouvelle-Calédonie. Les activités touristiques sont surtout balnéaires et concentrées dans les baies au sud de la presqu'île, ce qui vaut à Nouméa d'être comparé par les visiteurs à un « petit Nice ». De même, la présence de boutiques de luxe ou d'habillement dans son centre-ville, ses bistrots, restaurants et boulangeries lui ont valu le surnom touristique de « Paris du Pacifique » ou « petit Paris ». Tout cela dirigé d'une main de fer par des français.  Nouméa la blanche porte bien son nom.

    Notre escale fut de courte durée. Le temps de se réapprovisionner en vivres et carburant.

    Dès notre arrivée à quai,je fus appelé à la passerelle. Un ancien de l'école des transmetteurs du Fort du Cap Brun à Toulon, Les cheveux hirsutes, torse nu, en bermuda décoloré et en tong tressés m'y attendait. L'officier de garde lui intima l'ordre de rectifier rapidement sa tenue et de passer chez le coiffeur. Ce qu'il ne fit aucunement avant de m'entrainer à bord d'une vieille vedette de surveillance côtière issue d'un stock britannique vendu à la France. Il y était en affectation et profitait du bon temps et des sorties en mer. Ce que nous fîmes. A peine au large les couleurs furent abattues, remplacées par un drapeau publicitaire de marque Heineken. Le frigo en était blindé et la surveillance côtière se transforma en partie de pêche bien arrosée au son du rock n' roll que diffusait un gros magnéto. Cette journée de plein air me fit le plus grand bien avant de reprendre la mer vers d'autres cieux en écoutant du rock. 

mardi 2 février 2021

En thérapie, Arte à partir du 4 février 2021


 



    Éric Toledano et Olivier Nakache pilotent cette adaptation d’une fameuse série psy israélienne et livrent une plongée passionnante dans notre psyché nationale.



    Créée en 2005, la série israélienne "BeTipul" est devenue une référence mondiale malgré elle. Elle a connu un succès tel qu’elle a incité une vingtaine de pays  à « localiser » à leur tour l’intrigue originale.

    Chaque jour de la semaine, un psychanalyste reçoit un patient à son cabinet et se rend lui-même chez sa « contrôleuse » le vendredi. Décor unique, échange de paroles, champ/contrechamp, légers mouvements de caméra : le dispositif, en apparence d’une simplicité biblique, est reproductible à l’infini. Évidemment, c’est plus subtil que ça.                 
    La grande innovation d’"En thérapie" est de situer l’action au lendemain de l'attentat du Bataclan qui a durement impacté l’imaginaire national. Il est au coeur de l’analyse du policier Adel (Reda Kateb), mais nourrit aussi les conversations du psy (Frédéric Pierrot) avec Ariane (Mélanie Thierry), chirurgienne instable qui a soigné des victimes, Camille (Céleste Brunnquell), une ado suicidaire, Léonora et  Damien (Clémence Poésy et Pio Marmaï), un couple en crise. La catharsis est autant individuelle que collective.  
     "En thérapie"  repose sur le dialogue et l’incarnation, par conséquent sur les acteurs au service desquels se met la caméra – à la virtuosité discrète. C’est une série qui, en définitive, prend son temps. Celui d’installer les personnages et la petite musique entêtante des conversations dont la teneur dramatique monte crescendo à chaque épisode. En thérapie, reste un état des lieux de la France meurtrie et en résilience des années 2010.
 
"En thérapie" à partir du 4 février sur ARTE 
et à voir en intégralité sur ARTE.TV