vendredi 5 février 2021

1970 et les autres (17 ) Steppenwolf, born to be wild

 


    Pour beaucoup, quitter Diego Suarez fut un crève cœur. Tino qui n'avait pas obtenu sa mutation en fut très affligé. Il avait fait la connaissance d'une enseignante dont il était éperdument amoureux. Dans un quartier de Diégo peu recommandé aux européens, il y avait fait rapidement sa place et était accepté par sa gentillesse, sa générosité et les rudiments de malgache qu'il partageait avec les locaux. Je crois me souvenir qu'il avait pensé un temps à déserter afin de rester sur cette île qu'il avait fait sienne. Ramené à la raison, il laissait sur place son amour malgache, qu'il  retrouva plus tard pour fonder une famille en métropole avant que les aléas ne le fasse sombrer dans l'alcoolisme et se perdre définitivement dans les abîmes de la vie, comme me l'a appris, Jacques,  un ami du Henry retrouvé récemment.

    Après Diego Garcia, la vie à bord repris son cours en traversant la mer du Timor jusqu'à atteindre Port Moresby en Papouasie Nouvelle Guinée, sous administration  australienne. Les conditions de travail et de vie des Papous étaient lamentables. Je ne garde de cette escale qu'un sentiment de honte et de dégoût,embarqué que je fus avec quelques camarades par une bande de blancs pas des plus fréquentables vers un village sur pilotis où végétait une population indigène. Des filles arrivèrent. Des filles apeurées amenées de force pour y être assurément violées. Le temps semblait long. Les types furent vite gorgés d'alcool. Le ton monta, suivi d'insultes et de coups sur ces pauvres filles avant d’échanger quelques coups de poings avec cette bande de salauds, ce qui permis aux filles de s'enfuir et nous de nous trisser fissa vite avant de nous faire trouer la peau lorsqu'une arme automatique se montra menaçante. Une journée écœurante à mes yeux qui vint un peu plus dessillé mon regard sur la colonisation.

     Prendre le large par la mer de corail fut un soulagement, hanté que j'étais par cette vision désastreuse du monde.

    Nouméa reste l'une des villes les plus industrialisées de l'Outre-mer français, par le biais de la transformation de nickel, mais aussi par la présence d'un réseau assez dense de petites industries produisant pour le marché local et surtout avec une présence importante des fonctions et services publics d'État, de la Nouvelle-Calédonie. Les activités touristiques sont surtout balnéaires et concentrées dans les baies au sud de la presqu'île, ce qui vaut à Nouméa d'être comparé par les visiteurs à un « petit Nice ». De même, la présence de boutiques de luxe ou d'habillement dans son centre-ville, ses bistrots, restaurants et boulangeries lui ont valu le surnom touristique de « Paris du Pacifique » ou « petit Paris ». Tout cela dirigé d'une main de fer par des français.  Nouméa la blanche porte bien son nom.

    Notre escale fut de courte durée. Le temps de se réapprovisionner en vivres et carburant.

    Dès notre arrivée à quai,je fus appelé à la passerelle. Un ancien de l'école des transmetteurs du Fort du Cap Brun à Toulon, Les cheveux hirsutes, torse nu, en bermuda décoloré et en tong tressés m'y attendait. L'officier de garde lui intima l'ordre de rectifier rapidement sa tenue et de passer chez le coiffeur. Ce qu'il ne fit aucunement avant de m'entrainer à bord d'une vieille vedette de surveillance côtière issue d'un stock britannique vendu à la France. Il y était en affectation et profitait du bon temps et des sorties en mer. Ce que nous fîmes. A peine au large les couleurs furent abattues, remplacées par un drapeau publicitaire de marque Heineken. Le frigo en était blindé et la surveillance côtière se transforma en partie de pêche bien arrosée au son du rock n' roll que diffusait un gros magnéto. Cette journée de plein air me fit le plus grand bien avant de reprendre la mer vers d'autres cieux en écoutant du rock. 

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