lundi 21 décembre 2020

1970 et les autres (15) Small faces, First step

 

 


   Lorsque nos « ambassades » dans l'Océan Indien que ce soit aux Comores, la Réunion, l'ile Maurice, Ceylan, la mer rouge, l'Afrique du sud en passant par l'effroyable canal du Mozambique afin d'en surveiller les trafics, nous retrouvions calme et sérénité, parfois plusieurs semaines, en notre port d'attache de Diego Suarez.

   Même permissionnaire il m'arrivait de rester à bord me contentant d'aller déjeuner au restaurant de la base marine afin d'améliorer mon ordinaire et assister au ballet des lémuriens. Avec malice ils s'approchaient depuis les arbres des tables proches et sans que nous nous en rendions compte se régalaient à notre compte à l'affut de la moindre cacahuète, olive à chaparder voire notre chope de bière. Certain mettaient leurs pattes sur le bord du verre, glissaient la tête à l'intérieur et lapaient la bière tout en nous surveillant de leurs yeux ronds, plus ronds encore après la première gorgée de bière. Bière que nous abandonnions sachant les lémuriens vecteurs de maladies.

   D'autres sorties en ville nous éloignaient de la Taverne. Le cinéma ou le stade par exemple. Deux séances m'ont marqué. Celles de « Love Story » de Arthur Hiller avec Ryan O'neal et Ali McGraw.  Une diarrhée sentimentale qui à fait hurler de rire les spectateurs. L'apothéose fut une des scènes finales où Ryan O'neal se couche sur le lit d’hôpital ou Ali McGraw agonise. La tragédie à viré à la bouffonnerie auprès des spectateurs hilares. « Le Mans » avec Steeve McQueen fut aussi un excellent souvenir. Peu durant la projection. Mais à la sortie la place fut envahi immédiatement de Tuktuk, taxis et véhicules particuliers à faire une course endiablée encouragée par des dizaines de spectateurs hurlants de joie. Il y eut bien de la casse et une dispersion musclé par les forces de l'ordre. Pour ne périr sous les roues meurtrières, nous sommes rentrés par les ruelles bien plus tranquilles jusqu'à la Taverne retrouver les amis.

  Un dimanche au stade assister à un match de championnat malgache valait son pesant de farine. Le stade plein se tenait debout à encourager, hurler, ovationner avant la bagarre générale entre supporters au résultat final.

 


 

  Il y avait aussi une résidence sise à plusieurs dizaines de kilomètres dans « la baie des français » avec vue magnifique sur le Pain de Sucre un îlot rocheux d'origine volcanique, la partie la plus méridionale de la baie de Diego-Suarez, au nord de Madagascar. En congés nous pouvions y résider plusieurs jours à observer les fonds marins avec palmes masque et tuba, randonner, lire, rêver et écouter de la musique. Y recevoir des filles était interdit. Nous observions rigoureusement le règlement. Pas plus d'une fille par lit.



mardi 15 décembre 2020

Passage de l'Odéon, Laure Murat

 


 

  En 1915, Adrienne Monnier inaugure au 7, rue de l'Odéon une librairie-bibliothèque de prêt d'un genre nouveau, La Maison des Amis des Livres, appelée à devenir le rendez-vous favori du Tout-Paris littéraire, d'Aragon à Walter Benjamin, d'André Gide à Nathalie Sarraute. En 1921, Sylvia Beach installe en face, au n° 12, une boutique fondée deux ans plus tôt sur le même modèle, Shakespeare and Company, dont les habitués ont pour noms Gertrude Stein, Francis Scott Fitzgerald, Marianne Moore, Ernest Hemingway, Djuna Barnes... De rencontres en lectures publiques, d'expositions en soirées musicales, l'" Odéonie " va constituer l'un des foyers les plus actifs de la vie culturelle de l'entre-deux-guerres, dont la renommée franchira les frontières de la France avec la publication de Ulysse de James Joyce, édité en 1922 par les soins de Sylvia Beach, puis traduit et publié en français en 1929 grâce à Adrienne Monnier. Latere Murat évoque avec brio ce lieu mythique où, par la grâce de deux libraires, s'est joué, trente-cinq ans durant, le répertoire vivant des idées.

 

mercredi 9 décembre 2020

1970 et les autres (14) Pink Floyd, Atom heart mother

 

 


 

  Certains peuvent penser qu'aller s'encanailler, boire et danser le Salegi à la Taverne étaient nos seules occupations. Les finances d'un matelot ne sont pas éternelles. Ses envies de quiétude ou ses moments de mélancolie l'envahissent.

    Le 31 décembre de  1971 fut de ceux là. Nous rentrions d'une mission aux Comores et comptions bien fêter l'arrivée de la nouvelle année entre copains. Les restaurants et les bars de Diego assurés de faire le plein. Les « meilleures » tables réservées de longue date. Nos uniformes immaculés fraichement repassés. Nos souliers cirés. Impatients, il ne restait plus qu'à attendre d'arriver à quai.

   Notre joie fut de courte durée. Un cargo en panne depuis plusieurs heures dérivait dangereusement sur l'océan et nous répondîmes rapidement à son appel de détresse. Sur les lieux nos mécaniciens s'avérèrent impuissants à le dépanner. Il fallut donc le remorquer jusqu'à Diego. Officier et hommes de pont à la manœuvre l’opération se révéla bien plus plus délicate que prévue. Flandrin,  fils et petit-fils de marins pêcheurs breton, garçon timide et réservé de notre poste d'équipage se montra extrêmement compétent et volontaire. Il prodigua les meilleurs conseils de manœuvre au maître d'équipage avant de finir à la tête de l'opération nommé par le commandant. A tout moment les aussières, ces gros cordages employés pour l’amarrage et le remorquage de navires, pouvaient lâcher et faire bien des dégâts en cassant et fouettant le pont. Flandrin tint bon et manœuvra comme s'il avait fait ça toute sa vie. Les aussières aussi et nous pûmes nous mettre en route vers Diego avant la nuit. Hélas avec ces heures de manœuvre et le remorquage de cet énorme poids mort nous ne serions pas à Diego avant la journée du lendemain.

   Le commandant salua la volonté de notre équipage et fit améliorer notre ordinaire déjà compromis par les projections du commis aux vivres qui comptait n'avoir que le personnel de service ce soir là. Mais à cœur vaillants, rien d'impossible et l'invention de Nicolas Appert rendit bien des services. Ce ne fut pas queues de langoustes et foie gras pour notre 31 mais pâté Henaff qui comme chacun sait est le pâté du mataf, fayots et lentilles de quoi se remplir l'estomac avec du vin de la cambuse.

   Chacun puisa et partagea un peu de réconfort dans les colis reçus pour la Noël.

   Tard dans la nuit, une partie des membres du poste d'équipage numéro 1 se retrouva sur la plage avant assis à même le pont, torse nu et en short pour fêter l'arrivée de la nouvelle année, tous en proie à la mélancolie loin des siens et des festivités. L'air chaud sous la lune et un air de guitare n'y changea rien. Flandrin y gagna un uniforme flambant neuf de sous officier suite au rapport et à la recommandation de notre commandant. C'était déjà ça.

    Quant à moi, un fond de calva, un pétard, les Floyd et au lit.

dimanche 6 décembre 2020

Hommage à Adrienne Monnier (1892-1955)

 

                                                             Adrienne Monnier
 

   En plein combat autour de la réouverture des librairies, la Ville de Paris s’apprête à rendre hommage à une figure mythique de ce métier, Adrienne Monnier (1892-1955) par la pose d’une plaque à sa mémoire sur la façade du 7, rue de l’Odéon (6e arrondissement), à l’emplacement de son ancienne boutique.

 

                                                                  La librairie des Amis du livre 7 rue de l'Odéon.
 

  Adrienne Monnier fut une des grandes libraires de l'entre-deux guerres, fervent soutien des plus grands écrivains, alors bien souvent ignorés ou méconnus.


  La librairie ouvre le 15 novembre 1915 : « Notre première idée était très modeste : nous ne cherchions qu'à mettre sur pied une librairie et un cabinet de lecture dévoués surtout aux œuvres modernes ». Adrienne Monnier, qui a découvert la littérature contemporaine avec Le Mercure de France, souhaite présenter avant tout cette production. La librairie deviendra vite le lieu de rencontre des écrivains : Paul Fort, Pascal Pia, Jules Romains, Léon-Paul Fargue, Louis Aragon, André Breton, puis André Gide, Paul Valéry, André Salmon, Max Jacob, Pierre Reverdy, Blaise Cendrars, Jean Paulhan, Tristan Tzara, Jean Cassou font partie des premiers « abonnés ». Apollinaire, de retour du Front en 1916, « interpelle Adrienne : c'est tout de même fort qu'il n'y ait pas un seul livre de combattant dans cette vitrine ! ». Valéry Larbaud « entre en scène » en 1919, puis Claudel, Gallimard, et en 1920, James Joyce, dont Sylvia Beach, qui avait ouvert Shakespeare et Cie en 1919, venait de publier Ulysse.

  Loin de se contenter de vendre ou de prêter des livres, Adrienne Monnier va faire de sa librairie l'un des lieux majeurs de la création littéraire de l'entre-deux-guerres : rencontres autour de textes et de débats, chacun y lisant ses écrits ou commentant ceux des autres, conférences, mais aussi activités éditoriales : après la « mésaventure de Commerce », Adrienne Monnier fonde Le Navire d'Argent en 1925, Mesures en 1932, et publie nombre d'œuvres de ses amis : elle éditera ainsi Jules Romains, Paul Fort, Paul Claudel, Georges Duhamel, Georges Chennevière, Luc Durtain, Valéry Larbaud, Paul Valéry, ses propres poèmes et, bien sûr et avant tout, l'œuvre qui tue ses traducteurs : Ulysse, publié en francais par La Maison des amis des livres en 1929 et tiré à 1 200 exemplaires.

  Multiples activités qui ne furent pas de tout repos et mirent parfois la librairie elle-même en péril : en 1926, Adrienne Monnier est contrainte de vendre sa propre bibliothèque pour éponger les dettes du Navire d'Argent. Elle qui avait aidé nombre de réfugiés antinazis réussira à faire de sa librairie un des lieux restés respirables pendant la guerre et « fêtera » en mars 1941 ses 25 ans d'existence. Une existence qui se prolongera jusqu'en 1951. Adrienne Monnier choisira de mettre fin à ses jours en 1955.

   Au 12 rue de l'Odéon, en face de celui d'Adrienne se tenait la librairie Shakespeare and Cie de Sylvia Beach. Avec le Théâtre de l'Odéon à proximité, un magasin de musique et les deux librairies, Adrienne avait surnommé leur petit quartier "Odeonia" et Sylvia louait des chambres au-dessus de sa boutique. Elle vivait avec Adrienne au quatrième étage côté rue.

   Paris hébergeait une communauté d'écrivains dynamiques et de lecteurs avides. C'était une période très excitante pour les libraires et une époque glorieuse pour la littérature. Les revues littéraires étaient florissantes et des écrivains comme T.S Elliot, James Joyce, F. Scott Fitzgerald, Ezra Pound,D.H Lawrence ou Hemingway trouvaient de nouveaux publics. Adrienne, en fait, était aussi rédacteur en chef et éditeur de son propre magazine, Navire d Argent, qui présentait la littérature anglaise aux lecteurs français, y compris les écrivains comme Ernest Hemingway.

 

 

La librairie Shakespeare and Cie actuellement
37 Rue de la Bûcherie, 75005 Paris


mardi 1 décembre 2020

Disparition de Anne Sylvestre

 

 

 


 

Ses “Fabulettes” poétiques ont marqué des générations d’enfants. Mais Anne Sylvestre était aussi une autrice pionnière, dont les textes pour adultes, injustement méconnus, sont parmi les plus beaux du répertoire français.

Une jeune femme vient de lui sourire. Sans rien dire. Mais avec dans les yeux une joyeuse reconnaissance. « Voilà ce qui arrive dans la rue : des gens m’offrent leur sourire. C’est joli. » Ceux-là, c’est sûr, ont écouté son œuvre. Pas seulement ses Fabulettes pour enfants mais aussi ses chansons pour adultes. Ils savent combien elles sont précieuses. Pour qui connaît le répertoire français, le nom d’Anne Sylvestre égale ceux de Brassens, Brel, ­Barbara, Ferré, Trenet. On ne le dit pas assez ? Si seulement les radios et les télés avaient daigné diffuser ses chansons, tout le monde saurait. Mais l’histoire s’est écrite autrement, et le trésor s’est partagé avec plus de discrétion, scène après scène, disque après disque.

 La grande dame de la chanson française est morte lundi 30 novembre, à l’âge de 86 ans.


mercredi 25 novembre 2020

Confinement : autoportraits 5

 

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lundi 16 novembre 2020

Confinement : autoportraits 4

 

 

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