mercredi 9 décembre 2020

1970 et les autres (14) Pink Floyd, Atom heart mother

 

 


 

  Certains peuvent penser qu'aller s'encanailler, boire et danser le Salegi à la Taverne étaient nos seules occupations. Les finances d'un matelot ne sont pas éternelles. Ses envies de quiétude ou ses moments de mélancolie l'envahissent.

    Le 31 décembre de  1971 fut de ceux là. Nous rentrions d'une mission aux Comores et comptions bien fêter l'arrivée de la nouvelle année entre copains. Les restaurants et les bars de Diego assurés de faire le plein. Les « meilleures » tables réservées de longue date. Nos uniformes immaculés fraichement repassés. Nos souliers cirés. Impatients, il ne restait plus qu'à attendre d'arriver à quai.

   Notre joie fut de courte durée. Un cargo en panne depuis plusieurs heures dérivait dangereusement sur l'océan et nous répondîmes rapidement à son appel de détresse. Sur les lieux nos mécaniciens s'avérèrent impuissants à le dépanner. Il fallut donc le remorquer jusqu'à Diego. Officier et hommes de pont à la manœuvre l’opération se révéla bien plus plus délicate que prévue. Flandrin,  fils et petit-fils de marins pêcheurs breton, garçon timide et réservé de notre poste d'équipage se montra extrêmement compétent et volontaire. Il prodigua les meilleurs conseils de manœuvre au maître d'équipage avant de finir à la tête de l'opération nommé par le commandant. A tout moment les aussières, ces gros cordages employés pour l’amarrage et le remorquage de navires, pouvaient lâcher et faire bien des dégâts en cassant et fouettant le pont. Flandrin tint bon et manœuvra comme s'il avait fait ça toute sa vie. Les aussières aussi et nous pûmes nous mettre en route vers Diego avant la nuit. Hélas avec ces heures de manœuvre et le remorquage de cet énorme poids mort nous ne serions pas à Diego avant la journée du lendemain.

   Le commandant salua la volonté de notre équipage et fit améliorer notre ordinaire déjà compromis par les projections du commis aux vivres qui comptait n'avoir que le personnel de service ce soir là. Mais à cœur vaillants, rien d'impossible et l'invention de Nicolas Appert rendit bien des services. Ce ne fut pas queues de langoustes et foie gras pour notre 31 mais pâté Henaff qui comme chacun sait est le pâté du mataf, fayots et lentilles de quoi se remplir l'estomac avec du vin de la cambuse.

   Chacun puisa et partagea un peu de réconfort dans les colis reçus pour la Noël.

   Tard dans la nuit, une partie des membres du poste d'équipage numéro 1 se retrouva sur la plage avant assis à même le pont, torse nu et en short pour fêter l'arrivée de la nouvelle année, tous en proie à la mélancolie loin des siens et des festivités. L'air chaud sous la lune et un air de guitare n'y changea rien. Flandrin y gagna un uniforme flambant neuf de sous officier suite au rapport et à la recommandation de notre commandant. C'était déjà ça.

    Quant à moi, un fond de calva, un pétard, les Floyd et au lit.

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