samedi 24 mars 2018

Philip Kerr, le père de Bernie Gunther est mort


      L’écrivain Philip Kerr est mort le vendredi 23 mars.  Auteur d’une trentaine de livres, il avait été rendu célèbre par son détective Bernie Gunther, inspecteur de la « Kripo », la police criminelle allemande, enquêtant tant bien que mal sous le régime nazi.

     Pour créer son univers, la bible de l'Anglais Philip Kerr n'était  autre qu'un vieux Baedeker édition 1930, consacré à Berlin. Sans ce guide du temps  jadis, qui répertorie bars, restaurants, boîtes de nuit, bâtiments administratifs, les romans noirs berlinois de Kerr n'auraient pas ce fascinant goût d'authenticité. Mais pour ressusciter par la plume les ruines d'une ville détruite et fantomatique, il faut plus, bien sûr, qu'un Baedeker. Car du Berlin nazi, il ne reste, hormis les musées et les églises, que l'écrasant ministère de l'Air de Göring, devenu aujourd'hui ministère des Finances, la synagogue de l'Oranienburger Strasse, rebâtie en partie, et l'hôtel Adlon, ex-palace cosmopolite reconstruit à l'identique. Tant de rues ont été rayées de la carte, tant de noms transformés. Et pourtant, grâce à la formidable minutie de Kerr, on a l'impression d'y être, plongé dans ce labyrinthe débridé où évolue son héros, Bernie Gunther. Bernie n'est pas n'importe qui. Brillant policier avant l'arrivée des nazis, en 1933, détective privé ensuite, il est si efficace que Heydrich, séduit par son talent, le réintègre de force en 1938 dans la Kripo (Kriminalpolizei).

Pour se documenter, Kerr a ajouté à son Baedeker fétiche des balades dans la ville et de multiples lectures, parmi lesquelles les mémoires des grands détectives berlinois, traduits jadis en anglais. Après Christopher Isherwood, Lan Deighton et John Le Carré, Kerr à perpétué donc ce tropisme étrange des Britanniques pour Berlin. En l'occurrence, un Berlin aussi noir que brun.





Trilogie berlinoise
À travers le regard désabusé et insolent de Bernie Gunther, ancien policier devenu détective privé, immersion dans une Allemagne au tournant de son histoire, le temps de trois enquêtes.Berlin, 1936. Alors que les Jeux Olympiques approchent, Gunther est embauché dans L’Été de cristal par un riche industriel pour élucider le meurtre de sa fille et surtout la disparition d’un précieux collier en diamants. Bientôt la Gestapo s’en mêle… Deux ans plus tard, dans La Pâle Figure, la tension monte en Allemagne, y compris pour Gunther, sommé par le bras droit de Himmler de résoudre au plus vite les viols et les meurtres en série d’adolescentes blondes et aryennes. Changement de décor pour Un Requiem allemand : dans la Vienne de 1947, Gunther est appelé à la rescousse par un ancien collègue, accusé de meurtre. Au sortir de la guerre, un monde nouveau est à reconstruire et beaucoup semblent prêts à tout pour tirer leur épingle du jeu…

 La mort entre autres
On se souvient de Bernie Gunther, l’ex-commissaire de police devenu détective privé, qui, à la fin de La Trilogie berlinoise, assistait à la chute du IIIe Reich, conscient de la corruption qui, à Berlin comme à Vienne, minait le régime. 1949. Bernie vit une passe difficile. Sa femme se meurt, et il craint que le matricule SS dont il garde la trace sous le bras ne lui joue de sales tours. Une cliente affriolante lui demande de retrouver la trace de son époux nazi, et le voici embarqué dans une aventure qui le dépasse. Tel Philip Marlowe, son alter ego californien, et en dépit de son cynisme, Gunther est une proie facile pour les femmes fatales… Atmosphère suffocante, manipulations, et toujours l’Histoire qui sous-tend habilement la fiction.



Une douce flamme
Il paraît qu'en présence du Führer, ses admirateurs sentaient brûler en eux une douce flamme... En 1950, lorsque Bernie Gunther débarque à Buenos Aires sous un nom d'emprunt, la ville est infestée d'exilés nazis, qui ont reconstitué leurs réseaux et leurs pratiques. Informé de sa véritable identité, le chef de la police charge Bernie d'une enquête qui lui rappelle une affaire non élucidée, alors qu’il était détective à la Kripo berlinoise : une jeune fille retrouvée, atrocement mutilée, une autre disparue. L’occasion, pour Bernie, de découvrir l'ampleur de la collusion entre le régime Perón et les nazis… Dans le sillage de La Trilogie berlinoise, la confrontation entre l'Histoire et le crime continue, sous la plume de Philip Kerr, de provoquer des étincelles.
Hôtel Adlon

 Chargé d'assurer la sécurité d'un des plus luxueux hôtel berlinois, l' Hôtel Adlon, Bernie Gunther voit son job se corser lorsque les morts commencent à s'accumuler. le dirigeant d'une entreprise de construction est retrouvé mort dans sa chambre. Comme si cela ne suffisait pas, le cadavre d'un jeune boxeur juif est repêché dans un canal de la ville, les poumons remplis d'eau de mer. En parallèle, Gunther fait la connaissance - et un peu plus - avec la délicieuse et magnifique Noreen Charalambides, journaliste juive américaine venue enquêter sur la politique raciale de l'Allemagne à l'heure des prochains JO de Berlin : elle entend prouver une discrimination envers les Juifs en vue d'un boycott américain et il va l'y aider. Vingt ans plus tard, il recroise Noreen à La Havane. La Havane où les mafieux américains font pratiquement la loi et où lui-même tente une réorientation professionnelle dans le cigare. Jusqu'à l'assassinat d'un businessman germano-américain véreux, tandis que gronde la rébellion anti-Batista.




 Vert de gris

 En 1954, l'armée américaine arrête Bernie Gunther à bord du bateau dans lequel il quittait Cuba. En pleine guerre froide, la CIA espère obtenir de lui des informations sur Erich Mielke, ancien SS comme lui, devenu chef de la Stasi.

 Prague fatale

Berlin, 1942. Bernie Gunther, capitaine dans le service du renseignement SS, est de retour du front de l'Est. Il découvre une ville changée, mais pour le pire. Entre le black-out, le rationnement, et un meurtrier qui effraie la population, tout concourt à rendre la vie misérable et effrayante. Affecté au département des homicides, Bernie enquête sur le meurtre d'un ouvrier de chemin de fer néerlandais. Un soir, il surprend un homme violentant une femme dans la rue. Qui est-elle ? Bernie prend des risques démesurés en emmenant cette inconnue à Prague, où le général Reinhard Heydrich l'a invité en personne pour fêter sa nomination au poste de Reichsprotektor de Bohême-Moravie.

Les ombres de Katyn

Mars 1943. Le Reich vient de perdre Stalingrad et le moral est au plus bas. Pour Joseph Goebbels, il faut absolument redonner du panache à l’armée allemande et porter un coup aux Alliés. Or sur le territoire soviétique, près de la frontière biélorusse, à Smolensk, ville occupée par les Allemands depuis 1941, la rumeur enfle. Des milliers de soldats polonais auraient été assassinés et enterrés dans des fosses communes. Dans la forêt de Katyn, aux abords de la ville, des loups auraient d’ailleurs déterré des fragments de corps. Qui est responsable de ce massacre ? L’Armée rouge sans doute. Pour Goebbels, c’est l’occasion rêvée pour discréditer les Russes et affaiblir les Alliés. Il a l’idée d’envoyer sur place une autorité neutre, le Bureau des crimes de guerre, réputé anti-nazi, pour enquêter objectivement sur cette triste affaire. Le capitaine Bernie Gunther, qui y officie est la personne idéale pour accomplir cette délicate mission. Gunther se retrouve dans la forêt de Katyn avec une équipe pour exhumer les quatre mille corps des officiers polonais et découvrir la vérité, quelle qu’elle soit.
 La dame de Zagreb
 Eté 1943. Il y a des endroits pires que Zurich, et Bernie Gunther est bien placé pour le savoir. Quand Joseph Goebbels, ministre en charge de la propagande, lui demande de retrouver l’éblouissante Dalia Dresner, étoile montante du cinéma allemand qui se cache d’après la rumeur à Zurich, il n’a d’autre choix que d’accepter. Mais, très vite, cette mission en apparence aussi aguichante que l’objet de la recherche, prend un tour bien plus sinistre. Car le père de Dalia Dresner est en fait un croate antisémite de la première heure, sadique notoire, qui dirige un tristement célèbre camp de concentration de la région. Et la police suisse exige au même moment que Gunther fasse la lumière sur une vieille affaire qui risque de compromettre des proches de Hitler.
La Femme de Zagreb est une histoire formidable, extrêmement bien documentée sur cette période cauchemardesque, avec son héros cynique, attachant, et toujours aussi indomptable.

 Les Pièges de l’exil

 Au milieu des années 1950, Bernie Gunther est l’estimé concierge du Grand-Hôtel de Saint-Jean-Cap-Ferrat, sous une identité d’emprunt qui le met à l’abri des représailles et des poursuites (il figure sur les listes de criminels nazis recherchés). Mais son ancienne activité de détective et son pays lui manquent. Pour tromper son ennui, il joue au bridge avec un couple d’Anglais et le directeur italien du casino de Nice. Introduit à la Villa Mauresque où réside Somerset Maugham, l’auteur le plus célèbre de son temps, il trouve enfin l’occasion d’éprouver quelques frissons : Maugham, victime d’un maître chanteur qui détient des photos compromettantes où il figure en compagnie d’Anthony Blunt et de Guy Burgess, deux des traîtres de la bande de Cambridge, a besoin d’un coup de main... Très vite, la situation se corse, car Gunther est dangereusement rattrapé par son passé. Le roman offre un éblouissant portrait romanesque de l’écrivain, ancien espion de la Couronne, tout en entraînant le lecteur dans une machination palpitante.


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